Tel le (récent) fonctionnaire honnête, besogneux, désireux de servir et prêt à s’oublier dans le destin commun d’un service public toujours plus efficace, je me rendais ce matin, veste foncée chemise claire cravate grise (magnifique soit-dit en passant), au boulot.
Au sortir de la rue Goujon au cœur du XII° arrondissement j’achète au kiosque mon libé, geste que, peu ou prou, j’effectue depuis...Ô p’tain depuis le début du journal en 19... Non !!!!!!!!! Je suis vieux !!!
Bref j’achète Libé.
On pourrait me dire pourquoi tu t’abonnes pas ?
Et bien c’est facile. J’ai même essayé.
Quel cauchemar ! Trois mois à me faire détester de mes voisins.
Où j’habite nous avons une bignole.
Donc pas de boites aux lettres... T’es à Paris là mon gars pas chez maman.
Résultat comme je suis au 3° le livreur n’a jamais pris le soin de monter et s’est à chaque fois retrouvé, malgré mes relances à :
- soit glisser (comprendre enfoncer bruyamment) le canard dans l’étroite fente de la seule boite aux lettres du coin (celle de Maria donc, ma bignole) en réveillant toute la smala.
- soit balancer (bruyamment, là aussi, faut donc croire que c’était une mission) le quotidien sur le paillasson.
Comme Maria est, bien sur, Portugaise, son mari, de fait, est maçon.
Donc il se lève tôt.
Donc ça le gonflait que tous les jours, plutôt chaque matin, un gus vienne lui briser les c… oreilles alors qu’il compte déjà ses trop rares heures de sommeil…
Résultat j’achète au kiosque avec tout le discours bobo en refrain = vie de quartier, on salue son kiosquier (purée quand j’ai pas la thune, rare, ou qu’il a pas de monnaie, rare, et bien je paie le lendemain … comme à la campagne, les bouzeux en moins. Royal quouahhh !)
Et puis c’est en face de mon boucher, qui vend aussi du paté. Salut !
Bref je pose mon séant station daumesnil direction Nation par la 6 !
Et là vlan !
Je file direct dans les dernières pages, objectif ma rubrique préférée comme d’hab et qu’est-ce que je prends pas dans la tronche.
L’uppercut de l’année, le coup de boule du mois, le crochet du jour, la bastos en pleine tête :
Signe des temps également, le Championnat du monde en jeu rapide et en blitz débutera au moment même où cette chronique, que nous tenons quotidiennement depuis un quart de siècle, cessera définitivement d’exister.
Incroyable.
Jean-Pierre Mercier, mon mentor, mon modèle, celui par qui la langue Française, l’humour, la modestie et la connaissance faisaient corps avec l’échiquier.
Jean-pierre Mercier, celui qui restera aux échecs ce que John Kennedy toole est pour toujours à la littérature américaine...
Comment on dit dans ces cas là ? Il va nous manquer ? Merde il est pas mort.
Si un peu. Pour nous.
J’ai toujours rêvé d’être journaliste à libé seulement pour tenir cette rubrique.
Véridique.
Depuis j’attends un coup de téléphone de Serge July m’offrant cette opportunité ou bien encore un fax de Jean-Paul Sartre m’associant à la réorganisation du journal.
Quoi ? Eux-aussi ils .......?
Merci Monsieur Mercier. Merci pour tout !